Lors de l’entretien qu’elle avait accordé à Livres-Hebdo en 2013, pour la parution de ses mémoires, Régine Deforges nous avait confié qu’elle travaillait à un nouveau roman, La bergère d’Ivry, inspiré d’un fait divers tragique qui fit grand bruit à l’époque. Le 25 mai 1827, Aimée Millot, bergère à Ivry, était assassinée par un certain Honoré Ulbach, soupirant qu’elle avait éconduit. Le meurtrier, qui s’était rendu à la police, sera guillotiné le 10 septembre suivant en place de Grève.
Ce drame inspirera au jeune Victor Hugo, témoin de l’exécution d’Ulbach, son Dernier jour d’un condamné (1829), farouche réquisitoire contre la peine de mort, l’un des combats de toute sa vie.
A sa mort, le 3 avril dernier, Régine Deforges a laissé son texte inachevé. Son éditeur, La Différence, en avait annoncé la publication pour la rentrée.
Il paraît finalement ce 5 juin. Pierre Wiazemsky, son mari, précise que « ce roman n’a été ni relu ni modifié », et que l’écrivain aurait évidemment corrigé les imperfections de ce premier jet. Ce qui frappe, à la lecture, outre les clins d’œil, la vivacité du style et des dialogues, la familiarité de Régine Deforges avec son cher XIXe siècle, c’est que la malheureuse bergère, de fait, se voit éclipsée par un héros autrement plus riche et romanesque : Victor Hugo en personne. Dont Pierre Wiazemsky dit qu’il avait « littéralement hypnotisé » Régine Deforges. Elle en aurait fait un grand roman, dont nous ne lisons que l’esquisse.